« A transmedia story unfolds across multiple media platforms, with each new text making a distinctive and valuable contribution to the whole. In the ideal form of transmedia storytelling, each medium does what it does best – so that a story might be introduced in a film, expanded through television, novels, and comics; its world might be explored through game play or experienced as an amusement park attraction. Each franchise entry needs to be self-contained so you don’t need to have seen the film to enjoy the game, and vice versa. Any given product is a point of entry into the franchise as a whole. »
Henry Jenkins, Convergence Culture (p95)
Le transmedia storytelling représente l’avenir des œuvres de divertissement à l’ère de la convergence des médias. Il désigne la nouvelle forme que ces dernières, de plus en plus, vont tendre à adopter, et dont Matrix et Star Wars constituent les illustrations les plus emblématiques.
L’industrie du divertissement est mise au défi de développer des licences qui s’actualisent (ou s’instancient) à travers une multiplicité d’expressions différentes et complémentaires sur de multiples médias, et pourra de moins en moins se contenter, comme c’est souvent le cas aujourd’hui, de dupliquer le même contenu sur des supports différents.
Certes, comme le rappelle Henry Jenkins, le transmedia storytelling existe depuis des millénaires. C’est ce dont atteste par exemple le développement de l’histoire du Christ, au Moyen-Âge, à travers des médias aussi divers que les textes, les prêches, la peinture, l’architecture, etc.
Toutefois, face aux divertissements et aux médias de masse auxquels nous avons été habitués depuis notre plus jeune âge, le concept fait figure de véritable révolution.
Au modèle d’une œuvre monadique consommée par un individu, se substitue celui d’un réseau de contenus consommé par une communauté. Et c’est probablement là que réside l’aspect plus intéressant du transmedia storytelling : il modifie profondément nos usages en produisant des œuvres qui ont vocation à être consommées collectivement.
Il fait émerger des œuvres exigeantes et moins accessibles qui nécessitent, afin d’être pleinement comprises et appréciées, non seulement un comportement actif des consommateurs, mais aussi leur collaboration pour surmonter les obstacles qu’ils ne pourraient franchir seuls.
Ainsi, Matrix invite les consommateurs à recourir à l’intelligence collective pour élaborer une vue d’ensemble de son univers, pour décrypter son sens et pour s’adonner à un travail d’exégèse.
Si elle démarre dans l’univers du divertissement, cette évolution des pratiques de consommation est pour autant loin d’être anecdotique ou inoffensive. Elle confère aux individus un savoir et une expérience du travail collaboratif que les institutions du monde éducatif, repliées sur leurs traditions, ne peuvent leur transmettre. Et l’on a toutes les raisons de penser que cet apprentissage sera peu à peu mis à profit dans d’autres sphères, au point de transformer fortement la société.